Je suis à un point de ma vie où je vois à la fois combien être
l'enfant de quelqu'un et la mère d'enfants peut être une situation difficile
pour respecter le commandement « honorer ses parents ».
Avec mes enfants, il y a bien sûr de grands moments de joie mais
aussi des problèmes et des conflits. Particulièrement avec Gabriel. Il peut
être si mignon avec une envie d'aider et de faire plaisir, et une seconde plus
tard devenir si obstiné, colérique et "violent" qu'il m'est difficile
de savoir à chaque fois sur quel pied danser... Il est suivi (et moi aussi un
peu pour pouvoir apaiser notre relation) par une psychologue très douce et
efficace. Néanmoins, il a un tel besoin d'être "grand tout de suite",
que son immaturité au niveau du langage et son caractère têtu l'empêche de
pouvoir faire tout ce qu'il souhaiterait. Et puis, il y a les règles de vie de
la maison (ne pas claquer les portes, demander avant d'aller sur l'ordinateur
pour regarder un dessin animé, etc), celles que l'on doit suivre à l'extérieur
(tenir la main quand on traverse, etc) et toutes les autres lois et contraintes
de la vie en société. Des choses qu'il a énormément de mal à accepter pour
lui... mais qu'il aime rappeler aux autres. Un enfant tout en contradiction en
somme.
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Gabriel imitant les "super-héros", 19 juillet 2013 |
J'adore mon fils. Et en même temps je comprends pourquoi il me dit
parfois qu'il "ne m'aime plus", que "je ne suis plus sa
maman". Il est à un âge où il doit apprendre les limites des actions qu'il
peut faire afin de ne pas blesser les autres ou lui-même. Il aime le danger et
les choses qui font peur. Même si ça le fait trembler... Et quand je lui
déclare que ce qu'il s'apprête à faire est contraire aux "règles",
c'est pour lui source d'une grande frustration. J'essaye bien sûr de lui
expliquer avant ce que nous allons faire tel "Tu finis de jouer aux
échecs, et ensuite tu vas te doucher". Mais cela n'évite pas les
"Non!!!". Je suis pour lui celle qui le bloque, le restreint dans ses
désirs d'émancipation. Je me demande si je n'ai pas un adolescent avant
l'heure...
Il n'a que 4 ans 1/2, mais le quotidien peut sembler parfois un
tel obstacle avec lui, que je n’ai pas hâte qu’il en ait 15 ! Il a bien le
temps de découvrir le monde, et pourtant il ne souhaite qu’une chose :
faire ce qui lui passe par la tête. Il saute d’un sujet à l’autre ou alors
reste complètement bloqué sur un thème, une phrase ou une situation que je n’ai
pas un petit garçon devant moi, mais tantôt une tornade tantôt une montagne. Et
c’est épuisant.
Il est un rappel constant que pour qu’il nous apprécie et nous
« honore », nous devons nous mettre à son niveau, écouter ce qu’il
veut nous dire, comprendre son mal-être et lui apporter amour et réconfort.
Sans jugements hâtifs, sans colère (mon point le plus difficile), et toujours
avec douceur.
Lorsqu’un parent piétine le statut d’être humain de son enfant,
comment peut-il alors exiger de lui qu’il le respecte ? Les enfants voient
notre manière d’agir et reproduisent tout : les bonnes habitudes comme les
mauvaises actions. Ils font des expériences et découvrent ainsi ce qui leur
plaît, ce qui est bon pour eux ou ce qui est utile. Mais aussi ce qui leur fait
mal, ce qui est facile et inutile et enfin ce qui nous blesse, nous
leurs parents. Laisser un enfant utiliser cette « connaissance »
contre nous, n’est PAS une bonne idée. Car alors il pensera que les relations
humaines fonctionnent ainsi : par la manipulation, la peur, l’épuisement,
la colère… Bref, que des actions et des émotions qui nient la communication
paisible et constructive. Il ne pourra pas développer ses aptitudes cognitives
à leur potentiel maximum et se coupera de toute relation interpersonnelle
harmonieuse.
J’ai laissé de côté un acte qui peut lui-aussi être destructeur
pour la psyché d’un jeune enfant… tout comme pour un adulte. C’est le mensonge. [Je n’aborderai pas cette
fois les sujets des violences domestiques et les violences sexuelles, ce sera
peut-être pour un autre article… On verra.]
Ne pas tout expliquer à un enfant, c’est assez logique. Il y a des
concepts qu’on aborde dans les grandes lignes avec un enfant de 4 ans et pour
lequel on expliquera tous les détails à ses 12 ans (tiens, par exemple : « comment
on fait les bébés ? »). Mais lui cacher délibérément la vérité, lui
mentir sur des sujets essentiels pour sa compréhension de sa famille, ce n’est
pas l’aider à avoir un développement harmonieux.
Croire que les enfants ne se rendent pas compte quand on leur ment
ou qu’on leur cache des choses est une aberration. Selon leur âge, ils auront
des réactions différentes : sensation de malaise, manque de confiance vis-à-vis
d’une personne, peur de quelqu’un ou de quelque chose (le sujet tabou…), crises
d’angoisse, agressivité, questions fréquentes et intempestives, replis sur soi,
mythomanie, etc.
Personnellement, je crois que j’ai eu à peu près tous les
symptômes. Pas en même temps ! Mais selon la situation et ma maturité, je
crois bien que j’ai un peu tout essayé. La mythomanie est certainement ce qui m’a
le plus marqué et fragilisé, même si les mensonges et les non-dits familiaux n’étaient
pas la seule cause. Heureusement, ça va mieux maintenant. Au lieu de créer des
histoires pour qu’on m’écoute et qu’on me parle « en vérité », j’écris
des histoires pour que les lecteurs s’évadent un peu de leur quotidien. Bon…
OK, j’avoue que je ne suis pas tout à fait soignée. Hihihi… Mais j’utilise au
moins cette sorte de « don » pour inventer des histoires dans un but
plus noble que lorsque j’étais petite.
Il y a par contre des personnes qui n’apprennent pas des
expériences de leur vie et qui refusent de développer leur potentiel pour les
bonnes causes. Le plus triste c’est lorsque cette personne est l’un de vos
parents (frère, sœur, enfants… Cochez la case appropriée) et que le mensonge
est devenu son quotidien. Si vous avez lu mon billet précédent, vous savez que
la relation actuelle entre ma mère et moi a pris un tour pour le moins
désagréable. Le week-end dernier, j’ai reçu « the last straw ».
Alors que je revenais de notre voyage au temple près de Francfort,
j’ai téléphoné à ma mère pour lui dire que tout s’était bien passé, et patati
et patata. Elle m’a répondu assez froidement, que c’était bien et qu’elle ne
voulait plus que je la contacte « pendant quelques temps ». Je lui ai
demandé ce qui n’allait pas. Elle m’a dit que je me faisais trop d’histoires
(pour le coup, je ne m’en fais pas du tout ! Je veux la vérité !).
Cela fait quelques mois qu’elle ne me dit plus rien de ce qui se passe dans sa
vie, et malgré mes questions, elle changeait de sujet (comment va Sophie ?)
ou refusait tout net de répondre. « Ça ne te regarde pas ! »
Et bien si, le bien-être de ma mère me regarde ! Autant les
parents sont responsables de l’éducation et de la santé de leurs enfants et de
les aimer et les chérir, autant les enfants doivent respect, aide et amour à
leurs parents. Et quand l’une des personnes de l’équation agit de manière
illégale, ou dans le but de blesser l’autre, il est de notre devoir de lui
tendre la main pour qu’il revienne « à la raison ».
Dans le cas où « le fils prodigue » (mais on peut
changer pour mère prodigue) revient à la maison, les relations peuvent être
réparées et les blessures être pansées. Ce n’est pas évident, cela prendra plus
ou moins de temps, mais les efforts en valent la peine. La famille en vaut la
peine.
Il y a aussi le cas où la personne qui se perd dans ses ténèbres
intérieures refuse répétitivement la main tendue et continue ses agissements.
La seule solution qu’elle envisage encore, c’est de continuer à mentir, à ne
rien dire de ses problèmes (tiens, il y a comme un air de déjà-vu avec une
célèbre affaire politico-financière) car elle s’est persuadée ou on l’a
persuadé qu’elle ne s’en sortira pas autrement de toutes façons ! Je me suis plantée ? Plantons-nous en
beauté alors, puisqu’il n’y a plus d’espoir ni de vision d’avenir.
J’ai du respect et de l’amour pour ma mère. Elle m’a élevé, avec
ma grand-mère, et a dû souvent se priver pour que j’aie une enfance correcte.
Mais le poids du mensonge a très longtemps pesé sur mes épaules, même lorsque j’ignorai
qu’elles ne me disaient pas toute la vérité ou qu’elles mentaient ouvertement. Et
comme je n’avais pas la même personnalité qu’elles, je n’ai pas mis beaucoup de
temps à comprendre qu’elles ne me donneraient les réponses à mes interrogations
que si j’en avais déjà eu une partie par un autre moyen.
Je connais le potentiel de ma mère, ses talents. Et je vois
maintenant combien elle les a gâché, oublié et qu’elle se vide de toute trace
de ce qui la définit en tant que ELLE. Finir sa vie dans un quotidien morose,
monotone et sous la coupe de la peur, ce n’est pas ce qu’elle avait souhaité.
Si elle refuse mon aide et qu’elle nie l’état déplorable de sa
situation, je me dois de garder les idées claires et de continuer à l’aimer. Quand
je me suis fait baptiser en juillet 2005, je craignais que mon choix de vivre
une vie où la spiritualité aurait une très grande place serait ce qui pourrait
nous séparer. J’étais loin de me douter que « honorer ses parents »
serait testé de la sorte ! Qu’elle puisse faire des choix de vie aussi
mauvais pour elle, et que ce soit la culpabilité et la peur qui l’éloigne de
moi, je n’aurais pas pu l’imaginer deux secondes.
Les épreuves qui jalonnent le chemin de notre vie peuvent être surmontées.
Penser que les règles et les lois sont là pour nous brider, c’est se laisser entraîner vers des soucis et des problèmes inutiles. « Honorer ses parents » n’est
pas un commandement à prendre à la légère car en le respectant, nous
affermissons nos liens familiaux, nous développons notre faculté à voir le bien
en son prochain et à savoir distinguer ses besoins. Comment peut-on demander à
nos enfants, aux jeunes générations, de nous respecter lorsque nous ne
respectons pas nous-même nos propres parents et les personnes âgées ?
Voyez combien le tissu intergénérationnel est essentiel et combien
il peut être si facilement déchiré. Le mien est fin, les fibres sont brisés par
endroit et les raccommodages sont visibles. Mais tant que le cadre n’est pas
détruit et que j’ai un fil et une aiguille je ferai mon possible pour le
réparer de mon mieux. Moi qui suis nulle en couture, je vais devoir redoubler d’efforts
et de patience. Mais comme je l’ai dit plus haut : « La famille en
vaut la peine ».