lundi 19 octobre 2015

Promenade dans les cimetières catalans


Dans deux semaines, les cimetières français vont connaître leur moment d'affluence annuelle: la Toussaint et le Jour des Morts (1er et 2 novembre) sont d'habituels jours de dévotion et de mémoire vis à vis de nos chers défunts.

Déambuler dans le cimetière de Céret entre les tombes et les caveaux familiaux, ou faire sursauter ma grand-mère en me cachant derrière l'un d'entre eux, étaient monnaie courante pour moi durant mon enfance. Régulièrement, nous marchions jusqu'au cimetière, qui était à l'autre bout de mon quartier, pour nettoyer la tombe de mon grand-père et s'occuper des plantes. Je ne l'ai jamais connu car il est mort en 1966. Mais les histoires que ma grand-mère me racontait et le fait de "visiter sa tombe" m'ont permis de me sentir "proche" de lui.

Entrer dans un cimetière ne m'a jamais fait peur. Je dirais même que j'aime ça! Je ne les ai jamais considéré comme un lieu de mort uniquement, mais plus comme un pont entre ceux qui vivent dans ce monde et ceux qui ont continué leur chemin dans un autre. C'est pour cela que je me sens proche de la fête Dia de los Muertos et que j'aimerais aller un jour au Mexique durant ce festival.

Entretenir les tombes de mes ancêtres ou parents éloignés me manque ces temps-ci. J'habite bien trop loin pour pouvoir passer la balayette sur le marbre, arroser les chrysanthèmes ou les bégonias, et laver les inscriptions dorées à la feuille d'or. Et surtout pouvoir discuter avec eux. M’asseoir sur la pierre ou rester debout à côté, tout en leur racontant ma vie et ce qui se passe dans la famille, leur poser des questions sur ce qu'était leur vie, leur époque. Je sais, certains d'entre vous vont me penser un peu folle... Je suis juste très croyante, et pour moi, mes paroles sont entendues.


En Catalogne (du Nord comme du Sud), on trouve des cimetières ayant une particularité qui a déjà choqué quelques uns de mes amis étrangers. Laquelle? Les caveaux en "hauteur".

Voici des exemples de caveaux familiaux. J'ai pris les photos suivantes par une journée très ensoleillée dans le cimetière de Céret, Pyrénées-Orientales, France (le vieux cimetière et son agrandissement).

Caveaux familiaux, cimetière de Céret. Entre chaque caveau, il y a toujours un espace suffisamment large pour qu'on puisse nettoyer entre eux (et aussi jouer à cache-cache, mais je ne suis pas sûre que tous les visiteurs apprécient cela...)
Les caveaux familiaux comptent de 1 à 8 places. Parfois, un même coffre peut contenir les restes de deux personnes. Le coffre est rouvert pour déplacer les ossements du premier défunt et laisser de la place pour le cercueil du deuxième. Ainsi toute une même famille se retrouve ensemble dans la mort. Moi qui crois en la possibilité d'être unie pour l'éternité avec ma famille, ce concept de caveaux me plait bien.

Cimetière de Céret. Une allée bordée de caveaux et de tombes.

Vous connaissez surement les colombariums, où sont déposées les urnes remplies des cendres des défunts incinérés? Et bien celui-ci est basée sur le même principe, mais pour des cercueils! Les caveaux ont été construits par la mairie, et chaque emplacement est alloué à une personne. Il faut dire que le prix d'une tombe en pierre, ou d'un caveau, est plutôt imposant. Tout le monde n'a pas les moyens d'en faire construire. Cette solution permet le respect des voeux du mort (inhumation et non crémation) et un coût moindre pour les familles.
La tombe de mes grands-parents. Ma fille a fait la même chose que moi étant enfant: marcher entre les tombes, vouloir tout découvrir et se cacher... 
Pendant de nombreuses années, seul l'emplacement de gauche était occupé par la tombe de mon grand-père. Et puis, après des années d'économies, ma grand-mère a fait faire des travaux pour "joindre" les deux emplacements, tout en gardant la pierre tombale originale. Au moins, elle repose là où elle le souhaitait, comme elle l'avait demandé. Ma mère a demandé à être incinérée et que ses cendres reposent dans un coffre qui sera placé dans le creux devant la tombe (bon, c'était pour les fleurs à la base... mais je trouve l'idée pratique).
J'ai remarqué que les années de naissance et de mort sont presque toujours indiquées sur le dessus des tombes ou les portes des coffres des caveaux. Dans d'autres régions françaises, c'est sur le côté des tombes (pour mon grand-père à Châtou, Yvelines par exemple).

Du côté du vieux cimetière, nous avons dû expliquer à nos enfants le rôle des différents "carrés": pour les enfants, pour les soldats de la Première Guerre mondiale ou ceux de la Deuxième, etc. Les tombes des enfants les ont beaucoup émus, et une discussion sur la mort en a suivi. 

Carré des enfants, vieux cimetière de Céret.

Vieux cimetière de Céret.

Vieux cimetière de Céret. Tout autour des murs du cimetière vous trouverez les plus anciennes tombes. Il semble que la tradition était au XIXe siècle d'entourer les tombes avec des grilles en fer forgé. Le toit qu'on aperçoit derrière le mur est celui du collège. Je me souviens de camarades qui n'aimaient pas du tout l'idée d'avoir cours à côté du cimetière...

Vieux cimetière de Céret. 

Vieux cimetière de Céret. Les immenses cyprès apportent beaucoup de sérénité et de grandeur au lieu. C'est l'arbre symbolique du deuil autour de la Méditerranée (cela vient de la mythologie grecque).

Vieux cimetière de Céret. Ces tombes se trouvent à droite en entrant dans le cimetière. 

Vieux cimetière de Céret. Il semble que ce soit la tombe la plus ancienne du cimetière.


Voici quelques autres cimetières catalans:

Reynès 2012 07 19 02
Cimetière de Reynès, photo de Bertrand Grondin.

Ur - Croix (2)
Cimetière de Ur. Photo de Selbymay.

Coustouges 2013 07 18 37 M6
Cimetière médiéval de Coustouges. Photo: Bertrand Grondin.

Les cimetières les plus impressionnants sont toutefois ceux de Catalogne du Sud, et tout spécialement ceux de Barcelone, dont deux ont des visites guidées gratuites chaque dimanche matin (Poblenou et Montjuic). Celui de Montjuic est spectaculaire, tout comme le décrit cet article de At Home in a foreign land. Vous pouvez voir d'autres détails de ce lieu dans cette vidéo réalisée par l'association des cimetières de Barcelone et nous fait découvrir la richesse du patrimoine funéraire de ce lieu:



Une solution ingénieuse  a été trouvé également en Catalogne du Sud en matière d'énergie solaire: un cimetière a eu les toits de ses caveaux recouverts de panneaux solaires. Cela est possible uniquement parce que ces caveaux sont "en hauteur". Les photos illustrant l'article sont vraiment belles et on voit bien comment les caveaux sont décorés.

Je tiens à terminer en vous présentant le site Cimetières de France et d'ailleurs, qui a un long et intéressant article sur les cimetières de Barcelone. Les photos et leurs légendes nous entraînent dans la vie de la cité et sa culture. Si vous cherchez des informations sur des cimetières français ou sur la tombe d'une personnalité, vous les trouverez fort probablement sur ce site qui a été créé par Philippe Landru, professeur agrégé d'Histoire et passionné des cimetières!

Je vous souhaite de pouvoir honorer vos morts bien-aimés lors la Toussaint et du Jour des Morts. Et si vous passez près d'un cimetière, ne frissonnez pas! Allez plutôt jeter un oeil: l'Histoire est à quelques pas!

Lou Messugo

2 commentaires:

  1. belle balade Eolia! merci d'avoir participé à #AllAboutFrance

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  2. Bonjour,
    Nous passons régulièrement nos vacances en Catalogne... Et la visite des cimetières est une façon de nous replonger dans un passé universel et la culture humaine. Les cimetières catalans respirent le calme serein et ombragé des méditations qui font du bien à l'âme. Ce sont de frais jardins mémoriels profitables aux vivants.
    Cette année, dès notre descente de voiture, nous nous sommes dégourdi respectueusement les pattes- après un long voyage- dans les allées du cimetière de Sant Feliu de Guixols, comme lors de précédents viatges dans celui de Roses, de Cadaqués ou de Barcelone... et avons lu des noms dont nous nous sommes un moment émouvant sentis très proches.
    J'adorais petit, me promener dans le cimetière communal, tenant la main épaisse de mon grand-père Gabriel. Et je l'interrogeais sur la présence de gens dont les noms apparaissaient sur les plaques : mais où étaient-ils ? Il n'y avait personne...
    - Tout est plein me répondait-il... Et je n'arrivai pas à concevoir que tant de gens invisibles fussent là.
    Je comprends mieux maintenant, alors même qu'il a rejoint voici bientôt quarante ans, tous ces invisibles qui trottent sans cesse dans nos têtes.
    Merci d'avoir écrit cette page singulière.
    Eric

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